Le torrent de Vachères, une expérience pionnière d’aménagement

Un site expérimental et une innovation technique, écologique et biologique : c’est dans ce torrent  des Hautes Alpes que les forestiers du service de restauration des terrains en montagne engagent les premiers travaux en France destinés à freiner l’érosion et endiguer les crues.

Au XIXe siècle, le torrent de Vachères était le torrent de référence de l’Embrunais, « un des plus mauvais des Alpes » par la taille de son bassin de réception et son cône de déjection et il constituait une menace permanente.

Situé sur les communes de Baratier, Saint-Sauveur et les Orres, ce torrent a été une sorte de site pilote ;  il illustre bien les difficultés rencontrées par l’administration face à l’hostilité et la résistance de la population.

En effet, en 1827, dès sa promulgation, le code forestier impose la soumission des forêts communales au régime forestier, interdisant leur accès aux chèvres et aux moutons, obstacles à la régénération et au reboisement, tout écart étant passible d’amende.

En 1860, la première loi « sur le reboisement des montagnes » accentue encore la pression.

Un décret suffit à établir l’utilité publique des reboisements que l’administration juge nécessaires à une saine gestion écologique du territoire. Mis en demeure d’effectuer les travaux, les propriétaires peuvent bénéficier de subventions mais en cas de refus ou d’incapacité, ils sont expropriés sans indemnisation.

Le forestier, provenant souvent d’autres régions de France représente l’autorité de l’État centralisateur et autoritaire. C’est dans ce contexte houleux que débutent en 1864 les premières plantations qui provoquent une révolte, obligeant les ouvriers à abandonner le chantier.

Il ne peut  reprendre qu’en 1868, cette année là ayant été désastreuse pour les récoltes, les habitants s’embauchent contre salaire et participent activement aux travaux qui durent jusqu’en 1914.

Trois cents personnes ont ainsi planté des milliers d’arbres, creusé les canaux , confectionné les banquettes, construit les seuils et les barrages. 

Le chantier total aura duré presque 50 ans.

 

Source bibliographique

Hervé Gasdon, Les sentiers de montagne des forestiers, itinérance entre la Durance et l’Ubaye. Ed. Transhumances 2019, 171 p.


Texte rédigé par Catherine Tailleux (INRAE-DipSO)

Merci à Hervé Gasdon, forestier ONF-RTM (à la retraite) pour sa relecture.


Pour citer ce texte : Focus Agate : Le torrent de Vachères,  une expérience pionnière d’aménagement, Catherine Tailleux (INRAE-DipSO), novembre 2023. https://agate.inrae.fr/agate/fr/content/focus

 

Sur le même sujet

  • Torrent du Riou-Bourdoux (photographies de plans du bassin du Riou-Bourdoux dessiné par Sardi).
    Risques naturels

    Éteindre un torrent

    Depuis les années 1860, des services de l’État travaillent à sécuriser les habitats naturels et humains menacés par l’érosion et les torrents en montagne. Des techniques de génie civil et de génie biologique sont utilisées. Elles vont des travaux de maçonnerie à l’enherbement, jusqu’au reboisement et, ceci, de haut en bas des torrents.

  • Avalanche de la combe de Barral ; cliché Plagnat ; 30 janvier 1938
    Risques naturels

    Des avalanches et des hommes : astuces pour adapter l’habitat

    Dans les territoires de haute-montagne, l'enneigement peut durer des mois et le risque d'avalanche est permanent. De tous temps, les montagnards se sont malgré tout adaptés à cet environnement. Regroupés en communautés et menant une vie autarcique, ils ont su avec beaucoup d’ingéniosité profiter des contraintes et des subtilités du terrain en s'appuyant sur les protections naturelles existantes.